Établissement public d’aménagement de Saint Étienne
- Atelier du Rouget Simon Teyssou & associés / mandataire
- Atelier de Montrottier Loïc Parmentier & associés
- EUCLID (bet tout corps d’état)
3 850 000 € HT
Concours perdu (classé 2nd)
Zac Plaine Achille, 42000 Saint-Étienne
La question du patrimoine architectural est le plus souvent abordée sous l’angle de l’objet
matériel que l’on a en face de soi et de la date de sa construction. On considère que, pour être
le témoignage d’une époque révolue, il doit le moins possible s’éloigner de sa « condition
initiale ». Son évolution pour accueillir de nouveaux programmes ou s’adapter à la demande
sociétale représenterait la perte de ce témoignage du passé. Cette approche conduit à
« muséifier » de nombreux bâtiments, dont le rôle se réduit alors à être des objets figés
d’admiration, exploités essentiellement pour leur attrait touristique. Elle peut également conduire
au « façadisme », en fabriquant des coques « historiques » qui masquent l’évolution intérieure
du programme.
Une autre démarche pour le « devenir monument » d’un bâtiment est de considérer « l’esprit
du patrimoine ». Il ne s’agit pas de figer une évolution, mais d’inscrire cette évolution dans les
pas des hommes, les motivations et les savoir-faire qui ont façonné la chose construite, depuis
sa naissance et au travers de ses différentes modifications. C’est prendre conscience que le
« patrimoine matériel » est surtout porteur d’un « patrimoine immatériel » et considérer que ces
deux aspects ont une importance équivalente. De cette manière, c’est aussi prendre position
pour un certain projet de société, appuyé sur un passé qu’il connait et respecte, mais tourné vers
le futur sans aucune forme d’idéalisation d’un « autrefois » fantasmé.
La demande de la maîtrise d’ouvrage, qui associe cette dernière idée du patrimoine à l’idée
d’économie inventive est en ce sens très cohérente.
Les deux thèmes se recoupent très fortement. En effet, lorsqu’on considère la Manufacture
d’armes et son histoire, il apparaît très clairement que le site est déjà, en soi, l’expression bâtie
d’une forme d’économie inventive. C’est au départ un « bâtiment machine », conçu en fonction
du cheminement de l’eau et des spécificités de l’outillage. La logique utilitaire qui a présidé à la
construction initiale ainsi qu’à ses mutations constantes et ses additions successives découle de
ce principe : il s’est à chaque fois agi de trouver la manière la plus juste et la plus économe de
répondre à un problème précis avec les moyens à disposition.
Il s’agira donc de se servir du patrimoine existant de manière libre et respectueuse, dans l’esprit
de l’économie inventive, et au-delà de toute démarche de muséification d’un ensemble bâti dès
l’origine pour des raisons utilitaires. Notamment :
- Ne pas chercher à retrouver un « état initial », et considérer le bâtiment d’origine au même titre
que ses modifications successives, qu’elles soient a priori nobles ou moins nobles, en affirmant
que c’est cet ensemble qui fait la spécificité patrimoniale de la Manufacture d’armes
- Considérer chaque chose, chaque édicule, chaque élément de construction pour ce à quoi
il peut servir aujourd’hui – le site fait le programme ; si son utilité n’est pas évidente dans un
premier temps, il convient de ne pas le détruire et se laisser le temps de la réflexion
Par son insistance sur la dimension d’économie inventive, l’appel d’offres tel qu’il est
formulé représente pour nous une formidable occasion de repenser nos manières de faire de
l’architecture et d’interroger notre responsabilité d’architecte.
En effet, dans le contexte actuel marqué par une crise profonde et sans aucun doute durable
qui voit se raréfier les moyens de la puissance publique, il nous semble absolument impératif
de remettre en question les critères par lesquels nous évaluons une bonne architecture, ou un
bon projet. Au-delà des qualités esthétiques, ou de performance technique d’un bâtiment, le
critère du coût mis en regard avec le service qu’il rend, mérite d’être davantage au centre des
discussions.
Plutôt que d’apprécier une « qualité architecturale » dans l’absolu, sans considérer les
conditions de sa fabrication, c’est le rapport « qualité-prix » d’un bâtiment qui devrait être
évalué.
Bien au-delà du projet de la Manufacture, savoir maîtriser les coûts pour en faire un enjeu
et un moteur du projet est pour nous une dimension essentielle du métier, que nous devons
développer pour affirmer le caractère public de notre discipline, au coeur de la cité. La crise
oblige à faire mieux avec moins, à investir chaque euro de manière plus juste. La gestion des
ressources devient alors une question centrale.
La crise oblige à rebattre les cartes. Nous considérons l’accord-cadre pour la réhabilitation de la
Manufacture de Saint-Étienne comme une occasion concrète de le faire.
À partir de ce constat d’une économie inventive à l’oeuvre dans les premières étapes de la
construction de la Manufacture, il nous semble intéressant d’interroger les moyens qui ont été
mis en oeuvre. Dans la Manufacture, les années 1860-70 ont été celles de la pierre de taille,
du calcaire et de la brique. Les années 1930-1940 ont plutôt été celles du béton, toujours
associé à la brique. À chaque époque, ces matériaux se sont imposés comme des évidences.
De par leur disponibilité, la proximité des savoir-faire nécessaires à leur mise en oeuvre, leurs
coûts respectifs, ils répondaient parfaitement aux enjeux de leur temps en termes d’architecture
utilitaire.
Nous pensons que le matériau qui s’impose comme une évidence dans les années 2010-2020
est le bois.
En effet, le bois peut être utilisé en structure, en parement, pour les sols, pour le cloisonnement
ou pour le mobilier. Il est une ressource renouvelable, disponible localement. Parce qu’il
s’inscrit dans une filière sèche, il réduit les délais de construction ainsi que les nuisances de
chantier et génère beaucoup moins de déchets.
Si l’ambition de l’économie inventive est de mettre la question des coûts au centre des
attentions, alors il est nécessaire de parler de coût global : coût d’investissement, d’exploitation
et éventuellement de démolition/recyclage. Coût écologique aussi : le coût qu’auront à
supporter les générations futures. Dans ce cadre, le bois s’impose encore davantage comme
une évidence : il stocke le CO2 alors que tous les autres matériaux en émettent lors de leur
fabrication.
La prise en compte de la performance énergétique dans le bâtiment est récente, mais elle
est rapidement devenue le seul critère de référence pour les concepteurs comme pour les
maîtres d’ouvrage. Cela mène parfois à des réalisations absurdes, très technologiques et dont
l’entretien pourra poser de graves problèmes d’ici quelques années. Nous pensons qu’il faut
surtout prendre en compte l’énergie grise (l’énergie totale utilisée par un bâtiment au cours de
sa vie, de la fabrication de ses composants, leur transport, l’exploitation du bâtiment ainsi que
sa démolition). Parce que cela demande une vision à long terme, et ne peut se réduire à des
prévisions de consommation livrée clé en main avec le bâtiment, l’EPA est idéalement placé
pour prendre à bras le corps cette problématique. En effet, une difficulté rencontrée aujourd’hui
pour promouvoir ces approches à long terme est le temps court de l’alternance politique.
L’utilisation du bois est aussi une manière de combiner deux des compétences propres à l’EPA,
celle d’aménagement et celle de développement économique. Mettre à l’honneur le bois dans la
construction, c’est se donner la possibilité de faire avec les ressources locales du territoire, de
faire en quelque sorte un « projet local » tel que l’entend Alberto Magnaghi1. La construction du
bâtiment devient alors, en soi, un projet de développement territorial, un projet qui synthétise et
condense l’identité d’une région.
Pour les plus grosses sections de bois qui servent à la structure, on imagine facilement les fûts
fraîchement sciés descendre les vallées de l’Ondaine ou du Furan pour retrouver la Manufacture,
à l’image des nombreux sous-traitants qui participaient à la production d’armes installés sur les
bords des cours d’eau.
Travailler avec le bois c’est aussi, beaucoup plus souvent qu’avec le béton ou les autres
matériaux, travailler avec des entrepreneurs compétents et passionnés par leur métier. La plupart
du temps (encore aujourd’hui), ce sont des entreprises à taille humaine, réactives par rapport
aux évolutions technologiques et avides de partage d’expérience. Le savoir-faire de l’agence
dans le domaine de la construction en bois permet d’engager des dialogues féconds avec ces
artisans, sur des questions de détail autant que de structure. La maîtrise des pièces écrites
dans les DCE donnés aux entreprises permet d’orienter vers des essences locales, malgré les
difficultés posées par la loi MOP sur ce favoritisme géographique.
LA SALLE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA CHAMBRE
D’AGRICULTURE
Le projet s’est efforcé de conserver les éléments constitutifs du lieu plutôt que de les remplacer.
Après une discussion constructive avec la maîtrise d’ouvrage, l’ensemble du mobilier
initialement voué à disparaître a fait l’objet d’une réfection soignée par un tapissier pour les
fauteuils et par un ébéniste pour les tables.
Le faux plafond acoustique doré, fortement connoté « seventies » a également été sauvé. Il a
même inspiré le choix de la teinte et la texture des nouvelles tapisseries recouvrant les fauteuils
des administrateurs.
Des aménagements ponctuels ont amélioré le confort d’usage de la salle des sessions par
la mise en oeuvre de doublages acoustiques en chêne, d’une nouvelle moquette pour le sol
et de systèmes d’occultation des grandes baies de la salle pour rendre possible la projection
d’images.
La démarche de conception a donc consisté à valoriser les dispositifs et le mobilier existants,
sans a priori esthétique, en considérant les choses en place qui remplissaient encore pleinement
leur fonction. Leur conservation et leur restauration ont nourri en retour le caractère des nouveaux
aménagements.
LES GÎTES FLEURY
La commande portait sur la réalisation de quatre gîtes ruraux dans une ferme traditionnelle de
la châtaigneraie cantalienne. Deux gîtes prennent place dans une ancienne grange-étable, un
autre dans une ancienne soue à cochons prolongée d’un séchoir à châtaignes, le dernier dans un
deuxième séchoir à châtaignes et sa remise attenante.
Plutôt que de purger les édifices de leurs ajouts et appendices successifs, le projet s’efforce de
conserver le « déjà-là » pour répondre à un budget très contraint économiquement (765 euros/
m2 SHON). Le projet assume en outre le caractère hybride et la logique additive qui découle de
l’expression de ces nouveaux besoins.
L’approche est d’abord partie d’une discussion sur les usages. Cette analyse fine a permis
ensuite de vraiment cibler les interventions. L’idée a été d’immerger les touristes de passage —
souvent des urbains en quête de campagne — dans une atmosphère radicalement différente de
leur propre logement. Pour y parvenir, les structures existantes — murs en schiste, charpente et
volige en châtaignier — sont exposées dans toute leur brutalité. Les nouveaux aménagements,
sobres et lisses (chapes liquides en béton et panneaux plaqués en chêne pour les partitions
intérieures) entrent en contraste avec les matières rustiques préexistantes.
Un questionnement thermique a accompagné la réflexion sur le changement de destination de
ce patrimoine vernaculaire. Considérant l’occupation saisonnière des gîtes, aucune isolation
des parois verticales n’a été envisagée rendant possible la conservation de l’aspect intérieur
des murs en schiste. Une fois les lauzes de schiste déposées, l’isolation des toitures s’est fait
sur la volige existante, conservée pour son aspect en sous face. Une nouvelle volige posée sur
tasseaux soutient les lauzes triées et reposées.
Le caractère provisoire de l’acte d’habiter dans les gîtes permet en outre d’explorer des
spatialités et des modes de distribution décalés. Dans l’un des gîtes, l’escalier qui met en
communication les deux niveaux est extérieur et exploite des emmarchements en pierre
préexistants, mémoire du parcours du paysan qui récupèrerait ses châtaignes séchées sur un
plancher ajouré disposé à distance au-dessus du foyer.
Les espaces intérieurs sont décloisonnés pour rendre possibles les continuums spatiaux
verticaux. Le confort proposé dans les gîtes est sommaire : seule une chambre par gîte se ferme.
Les autres sont disposées sur des mezzanines pour révéler les charpentes dans leur totalité.
Celles-ci sont en effet un des caractères singuliers de l’architecture vernaculaire cantalienne.
Cette reconversion d’une manufacture de parapluies en studios de danse à Aurillac est
l’expression d’un processus de conception singulier. Très peu de plans ont été dessinés par
notre équipe d’architectes. Seuls la structure en bois et les escaliers ont fait l’objet de dessins
précis pour anticiper la phase de chantier. Tout le reste a été dessiné in situ sous forme de
croquis et de tests grandeur nature, en présence du maître d’ouvrage et des entreprises.
Le choix d’abolir toute forme de faux plafonds dissimulant les réseaux a rendu nécessaire une
attention quotidienne sur le chantier au parcours des fluides. Ceux-ci ont été positionnés in situ,
et non pas sur un écran d’ordinateur.
La contrainte du budget (moins de 1000 euros/m2) nous a poussés à proposer des dispositifs
qui remplissent plusieurs fonctions à la fois. Ainsi, les meubles dessinés spécifiquement pour
ce projet remplissent une triple fonction : ils partitionnent les espaces intérieurs, offrent des
rangements sous forme de casiers, et font office de miroirs pour les danseurs studio de danse.
Ces meubles sont mobiles et peuvent être déplacés pour dilater l’espace du studio en cas de
représentations ouvertes au public.
La société Woodway a racheté une partie des ateliers et de l’outillage de la société Gilet,
fabricant de meubles de cuisines et de salles de bains à Aurillac. Important fabricant
d’ameublement, et l’un des principaux employeurs du bassin aurillacois, l’entreprise Gilet avait
fait faillite immédiatement après sa reprise par un investisseur privé.
Woodway, dirigé par Jean Pierre Ladvie, développe aujourd’hui des produits de construction,
briques et modules en panneaux OSB, à partir de procédés constructifs dérivés des techniques
d’assemblage propres aux métiers d’ameublement (rainures et collage) hybridés avec des
technologies industrielles issues des équipements de sports d’hiver (assemblage par câbles,
notamment).
Inventive, cette société a su adapter l’outil de production de l’usine d’ameublement pour
développer de nouveaux produits constructifs à partir de caissons en OSB 4 (sans colle) remplis
ou non d’un isolant en fonction des performances recherchées.
Cette expérience singulière de mutation industrielle fait écho aux tentatives multiples de
reconversion des manufactures d’armes de Saint-Étienne. Elle pourrait être convoquée pour
envisager la réalisation de partitions à très bas coût pour le projet de l’imprimerie 2. En effet,
fournies et posées, ces cloisons brutes en caissons OSB, potentiellement support a des
peintures au pochoir, ou des revêtements divers (bulletin board, etc.) sont plus économiques
que des cloisons en plaques de plâtre et sont facilement démontables.
La pratique de l’atelier s’est développée à partir du cadre rural. Cette spécificité marque
profondément la philosophie de l’agence.
En effet, ces espaces de projet particuliers souvent abandonnés des pouvoirs publics sont
marqués par la nécessité de faire face à des dynamiques importantes (dépeuplement ou,
au contraire, périurbanisation ; changements dans les modes de vie ; évolutions du métier
d’agriculteur ; etc.) avec des moyens très limités, autant en termes financiers qu’en termes de
compétences. Les petites communes n’ont pas de services techniques dédiés, par exemple.
Le rapport de l’architecte à l’expression du besoin, au programme et au site est alors
nécessairement très différent que dans les grandes villes. Une grande capacité d’écoute et
une forme de souplesse sont indispensables. Aussi, l’expérience nous montre que la montée
en qualité générale du territoire se fait par petites touches, en apportant soin et précision à
chaque sujet rencontré. Il n’y a pas de petit projet, et l’architecte est comme un « médecin de
campagne », au chevet des petites communes pour s’occuper des maux les plus bénins comme
les plus graves.
Dans cet état d’esprit, l’installation provisoire de toilettes (le site est traversé par une dynamique
événementielle…) fera l’objet d’une attention tout aussi poussée que le réaménagement de tout
un corps de bâtiment. Très loin d’une logique d’auteur, nous sommes convaincus que c’est de
petites choses autant que de grands gestes que découlera la réussite globale du projet de la
Manufacture.
La dynamique de l’accord-cadre permet ce genre de relation entre l’architecte, le maître
d’ouvrage, l’urbaniste et le site qui fait l’objet du projet. Proposant une disponibilité forte et un
fonctionnement itératif par évaluations successives, chaque projet permettant de discuter le
prochain, nous serons des interlocuteurs tout autant que des techniciens-concepteurs. Du fait de
cette expérience rurale, l’agence a appris à mettre les rapports humains au centre de la pratique,
pour le plus grand bénéfice du projet.
Nous sommes également des architectes intéressés par le « faire », par la manière dont les
choses se construisent. Il ne s’agit pas que de dessiner et ensuite laisser aux entreprises la
responsabilité de réaliser. Il s’agit de discuter, de s’interroger sur les savoir-faire. L’agence est
là-dessus force de proposition, ce qui permet un véritable dialogue avec les entreprises. Pour
nous, le chantier est un moment clé du processus, permettant d’actualiser la conception au plus
près des conditions réelles de fabrication du projet.
Ces deux aspects combinés, celui de la disponibilité de l’architecte et celui de notre intérêt
pour le « faire » nous incite à proposer d’envoyer un collaborateur pour être « architecte en
résidence » dans la Manufacture.
Le prototype du premier bureau livré deviendrait alors son bureau, et il serait une sorte de
« janitor » à l’américaine : un homme (ou une femme), dont le rôle est de « s’occuper » d’un
bâtiment dans toutes ses dimensions. Pendant la phase chantier, il accompagnerait les jeunes
entreprises en train de s’installer, discuterait avec elles l’opportunité de tel ou tel aménagement,
l’ergonomie de travail de l’ameublement prévu, etc. Pour celles qui disposent de moyens
limités, il pourrait proposer un accompagnement à l’autoconstruction, une forme de conseil
situé. Par exemple, dans le pack d’installation proposé par la pépinière, outre l’accès à un réseau
informatique et à des salles de réunion, un forfait de 3 h de conseil architectural pourrait être
inclus…
De la même manière, « l’architecte en résidence » pourrait être moteur dans l’organisation
« architecturale » d’évènements permettant de promouvoir l’appropriation de certains lieux
voués à de futurs aménagements. Ces « tests » permettraient notamment d’affiner le choix du
programme le plus adapté aux différents espaces.
Cette proximité avec les usagers, avec le projet qui prend vie, permettrait de tirer parti de ces
retours d’expérience le plus rapidement possible, dans un esprit itératif et incrémentiel. Pour
aller plus loin encore, nous pourrions même envisager d’installer un logement prototype dans
les bâtiments de liaison. Ce logement, qui servira à l’architecte en résidence, pourra aussi
servir de logement témoin auprès de bailleurs ou de promoteurs intéressés pour investir dans la
Manufacture.
L’économie inventive pousse à reconsidérer la manière dont sont rémunérés l’architecte et la
maîtrise d’oeuvre en général. Le cadre conceptuel habituel semble inadapté. L’objectif est de
faire un projet moins cher, donc avec moins de matière, mais en engageant autant, voire plus
de matière grise ! Or aujourd’hui, en liant sa rémunération au volume des travaux, l’architecte
se retrouve dans une situation paradoxale… Comment faire mieux avec moins si cela veut dire
être payé moins ? Pour faire à nouveau le parallèle avec les médecins, imagine-t-on qu’il soit
rémunéré au kilo de médicaments qu’il arrive à faire ingurgiter à son patient ?
Les estimations en temps à passer paraissent alors les plus adaptées à ce type de projet. Nous
pourrions aussi envisager que la rémunération soit corrélée à la quantité de surface aménagée,
toujours avec la même enveloppe de départ.
Le déroulé des missions de la loi MOP est aussi à interroger. Vu la configuration répétitive de
l’existant et l’incertitude relative du programme, le détail technique pourrait être le premier
élément à travailler… Ce détail donnera une somme des possibles que nous pourrons ensuite
décliner en fonction des souhaits du maître d’ouvrage et des négociations avec les représentants
de la réglementation.
Quoi qu’il en soit, cette question de l’économie inventive demande donc de revoir les processus
dans leur ensemble. D’une certaine manière, le maître d’ouvrage devra lui aussi être inventif
économiquement.
Nous considérons qu’il est important de s’inscrire dans la continuité des logiques de circulations
initiées dans le plan guide ainsi que dans les opérations livrées ou en cours. Le bon rapport
entre les sols et les bâtiments est primordial pour parvenir à livrer une opération cohérente.
Ainsi, nous pensons que l’aile nord du H Sud doit poursuivre la logique amorcée dès à présent
dans les travaux en cours dans le H Sud, avec notamment la création des passages ouverts, ou
semi-ouvert au public. La cour centrale semble plus destinée à un usage singulier à caractère
public affirmé. Les cours du H-Nord, quant à elle, seront associés aux rez-de-chaussée attenants,
et tireront partie du caractère déjà présent (minéral / végétal).
Le phasage et la « stratégie de peuplement » du H Nord dépendent très fortement des
réglementations ayant trait à la sécurité incendie d’une part et l’accessibilité des PMR d’autre
part. Les différentes faisabilités que vous avez jointes au dossier en attestent : à chaque fois,
c’est une question réglementaire qui a motivé son évolution (accès PMR ou sécurité incendie).
Dans l’esprit de l’économie inventive, une bonne maîtrise de ces règlements ainsi qu’un
échange approfondi avec le contrôleur technique et service des pompiers nous seront
indispensables. Ces derniers doivent s’approprier l’idée « d’économie inventive », car ils en sont
aussi les acteurs.
Ensemble, il s’agira de faire preuve d’agilité intellectuelle pour :
- limiter l’impact des normes et de la réglementation sur le coût de réhabilitation du bâtiment
- assurer confort et sécurité aux occupants
Pour ce faire, nous voyons deux approches principales :
- reprendre la stratégie de l’Imprimerie 1 qui consiste à découper le grand bâtiment existant
en plusieurs établissements indépendants de petite taille et donc faiblement contraignants en
termes de réglementation (ERP 5e catégorie dans ce cas)
Nous proposons pour ce faire d’ouvrir des passages dans le bâtiment qui fonctionneront comme
isolation des établissement entre eux du point de vue de la réglementation incendie. Ces
passages seront publics ou semi-publics et accueilleront les circulations verticales.
- multiplier les liaisons entre les différents éléments de programme pour proposer plus
de solutions d’évacuation et mutualiser au maximum les coûteuses circulations verticales
(ascenseurs et escaliers)
Dans cette optique, nous proposons de relier les deux ailes du H Nord par des passerelles
métalliques légères, comme réminiscence des passerelles démolies. Ces passerelles
permettront d’une part, la circulation des PMR, l’évacuation en cas d’incendie, et d’autre
part, elles apporteront également une certaine qualité de parcours, de rapports à l’extérieur et
d’intensité d’échanges entre les habitants du H Nord de la manufacture.
Le programme dans son ensemble fait état d’un questionnement sur l’opportunité de mélanger les activités des plus précaires aux mieux installées. En mettant en oeuvre le
système de cloisonnement suggéré dans le
présent mémoire, nous révélons le souhait de
composition d’un système vivant.
Une grande variété de configurations et
d’appropriations est permise. Cela ne veut pas
dire que l’architecte se désengage : il s’agit
d’un système vivant dans le sens où il est
constamment réévalué, amélioré.
Qu’est-ce que l’OSB 4 ?
L’OSB 4 (Oriented Strand Board)
est un panneau a lamelles de bois orientées,
minces et plus ou moins longues (de 0,3 a 0,5
mm d’épaisseur et jusqu’à 8 cm en longueur). Il
possède une excellente résistance mécanique.
Il s’agit par ailleurs du panneau de bois le
plus économique du marché. Les lamelles
sont encollées et composent un matelas de
trois couches successives. La méthode de
frittage est employée pour extraire la colle
présente naturellement dans les lamelles de
bois résineux pour la réemployer comme colle
naturelle dans la chaîne de production. Ainsi
aucune colle artificielle n’est rajoutée dans le
processus de fabrication des panneaux en OSB
4, ainsi dépourvus de formaldéhyde.
Employés comme panneaux de
contreventement dans les murs a ossature,
les panneaux OSB sont produits en très
grande série. Assemblés par rainurage et
collage, techniques issues de l’industrie
d’ameublement, les panneaux OSB 4 forment
des partitions verticales sous forme de
caissons verticaux remplis ou non d’un isolant.
L’épaisseur des caissons varient en fonction
de la performance acoustique ou thermique
désirée, ou en fonction de la résistance
mécanique recherchée : les parois verticales
sont en effet susceptibles de porter des
planchers intermédiaires.
L’assemblage des caissons en OSB
entre eux est réalisé par Velcro industriel,
technique utilisée pour fixer les parements
intérieurs des TGV et des Airbus. Il s’agit d’un
mode d’assemblage très simple, concurrent a
la vis, garantissant une grande simplicité de
mise en oeuvre, y compris par un personnel
peu qualifié. L’effort a l’arrachement fait l’objet
d’un calcul précis pour assurer la stabilité des
ouvrages.
La mise en place, in situ, de telles
partitions pourraient être exécutée par une
entreprise de réinsertion ou par les membres
d’une association communale de chômeurs
longue durée. Les travaux se feraient alors sous
la direction d’un chef de chantier qualifié pour
obtenir la garantie décennale.
La mise en place, in situ, de telles
partitions pourraient être exécutée par une
entreprise de réinsertion ou par les membres
d’une association communale de chômeurs
longue durée. Les travaux se feraient alors sous
la direction d’un chef de chantier qualifié pour
obtenir la garantie décennale.
De la cloison au mur porteur
Un intérêt certain de ce système réside dans
sa souplesse, au travers de sa capacité à
adapter la section de son ossature primaire (de
nombreuses variations possibles) en fonction
des besoins. Ainsi, Le système choisi, en
s’épaississant, permet également de fabriquer
des murs porteurs plus conséquent en
intégrant un isolant. Cela permet d’envisager
de nouvelles possibilités pour réinvestir
les lieux en fabriquant des volumes et des
hauteurs plus généreux.
Cette indétermination sur l’emplacement du programme qui, comme nous vous l’avons dit,
dépend en grande partie de discussions avec les pompiers et le contrôleur technique de
l’opération, ne nous empêche pas de commencer à travailler sur le sujet.
En effet, au-delà des questions réglementaires, la question des usages particuliers du site et
des différents niveaux de confort est très explicite dans les différents documents que vous nous
avez présentés. D’une certaine manière, sur le site, cet esprit existe déjà. Une gradation presque
complète des niveaux d’usage et des niveaux de confort existe :
- le studio d’enregistrement de France Bleu est complètement hermétique et son ambiance
interne est parfaitement maîtrisée par la climatisation et par un dispositif de double fenêtre
acoustique, le local est en quelque sorte « hors du site »
- au contraire, les ateliers des étudiants de l’ESADSE ne sont constitués que par des sortes de
parois-meubles génériques, faciles à déplacer, qui permettent le minimum d’intimité dans le
travail
Pour nous, la capacité de la manufacture à accueillir ces contrastes forts entre des niveaux de
confort différents et des coûts d’investissement différents est une des grandes richesses du
projet et une expression selon nous de « l’économie inventive ».
La confrontation du précieux et du « grunge », c’est la promesse d’un lieu de brassage social,
à l’image d’une médina arabe, ou, tout simplement, d’un véritable morceau de ville (qui aura
le grand avantage de ne pas être circulé par les voitures…) Avec cet « esprit du programme »,
basé sur la mixité des niveaux de finition, et du fait de la répétitivité géométrique de la
Manufacture, nous pouvons d’ores et déjà vous proposer l’ébauche d’un système capable de
répondre à des besoins fluctuants :
- des aménagements évolutifs, dont on peut augmenter le confort au fur et à mesure que
l’entreprise grandit ou se solidifie (pas d’aménagements temporaires : on ne fait pas pour
défaire, chaque chose est une base pour l’étape suivante)
- des aménagements rapides, économiques et réalisables en site occupé, grâce notamment
à l’utilisation de panneaux préfabriqués en OSB transportables et manipulables sans outillage
spécifique
- un système de partition qui peut se décliner sous plusieurs formes, permettant de répondre
à des situations et des niveaux de confort spécifiques (le même système peut se décliner du
meuble au mur porteur…)
Démolir le faux plafond et révéler la charpente existante.
Actuellement, un faux plafond (composé en certains points d’un dispositif de confort
acoustique), diminue fortement la générosité des volumes de l’étage du H-nord. En démolissant
ce faux-plafond, nous redonnons au lieu une qualité d’espace non-négligeable, une respiration,
et redécouvrons la charpente de la toiture en place.
Isoler sous la toiture.
L’isolation de la 5ème façade s’attachera, en fonction des situations (réfection ou non de la
toiture), à laisser au maximum apparente la charpente révélée suite à l’étape précédente.
Créer un nouveau sol
En créant un nouveau sol, nous isolons l’étage du niveau inférieur. Cette action fait partie des
transformations «pionnières» indispensables, pérènnes, constituant un «socle» support aux
évolutions futures du lieu.
Mettre en place les réseaux (ventilation, chemins de cables, etc...)
En laissant les réseaux apparents, nous suivons une économie réfléchie, où les dépenses
superflues sont proscrites. Nous nous inscrivons ainsi dans l’esthétique intrinsèque de la
manufacture et dans la continuité des opérations déjà livrées.
Cette mise en oeuvre permet également une souplesse de repartition et une intervention aisée en
site occupé.
Isoler les façades
Il s’agit de mettre en place le doublage intérieur, et de remplacer les menuiseries.
Les lieux pourraient être habitables, dans l’esprit «grunge», sans cette intervention. Dans un
souci de répartition des coûts dans le temps, nous pourrions proposer que cette transformation
se fasse dans un second temps, en site occupé. Il est également envisageable de démolir les
allèges, afin de maximiser les apports solaires, proposer un rapport à l’extérieur plus généreux :
apporter un confort supplémentaire non négligeable. Cependant, si nous faisons ce choix, alors
nous devons procéder à l’ensemble de ces transformations, avant que le site soit occupé.
Nous proposons un système évolutif prêt à finir, et non pas temporaire ou transitoire. Plusieurs niveaux de confort, de sécurité, de finition sont possibles, soit en un seul investissement, soit par des investissements successifs. Les récits qui suivent mettent en évidence les différents scénarios rendus possibles
Le rapport à l’enveloppe existante
Nous l’avons dit, la richesse de la manufacture existe notamment au travers de sa diversité
programmatique et spatiale, tant sur la manière d’habiter, d’utiliser les lieux, que sur le niveau de
finition des différents espaces. Le système que nous proposons permet ces variations et s’inscrit
donc dans la continuité du processus enclenché.
Le système « BAF » proposé pour réinvestir globalement le R+2 du H Nord oriente une
requalification de l’enveloppe, notamment thermique, permettant une logique de composition
libre et variable à l’intérieur de celle-ci. Différemment, sur les parties RDC plus particulièrement,
nous proposons de conserver au maximum l’enveloppe existante (peut-être même les
menuiseries) afin d’y introduire de nouveaux volumes de tailles, hauteurs, voire d’altitudes
variées (déclinaison du système Woodway). Nous cherchons ici à conserver et révéler la qualité
d’espace, de matière et d’ambiance de ces lieux particulièrement ouverts et vastes. Nous
envisageons d’ailleurs la pose de cloisons vitrées pour résoudre les questions règlementaires, le
cas échéant, afin de conserver les continuités visuelles si généreuses.
Cette logique permet de développer un imaginaire singulier d’interstices (« la boite dans la boite ») et
invite à une occupation optimale de l’espace dans toute sa hauteur (« habiter les poutres »).
L’utilisation de ces volumes, qui peuvent se clore dans un espace ouvert, est multiple. Ce sont
potentiellement des lieux pour stocker, ou bien pour s’élever dans le volume existant, ou encore
pour recréer des sous-milieux en fonction des besoins (confort thermique, acoustique, maîtrise
de la lumière, …). De la même manière que pour le système « BAF », ces « boites » sont
évidemment déclinables en différentes tailles et différents niveaux de finitions que l’on peut faire
évoluer aisément.